Assis dans l'herbe face à cette vallée qui m'accueille depuis plusieurs années, je regarde, j'écoute, j'essaye de comprendre le bon déroulement du temps et je m'émerveille de la beauté des choses.
Ce paysage n'est pas là par hasard, le temps et les millions d'années l'ont façonné. Dans cet espace géologique sans âge se développe une vie sauvage exceptionnelle que j'aime à découvrir au fil des saisons et de l'instant présent.
C'est un choix de vie qui me conduit à cet instant à la réflexion et au doux plaisir de l'observation.
«Nous sommes tous nés avec des oreilles, les miennes écoutent la nature "
Naturaliste passionné et être instinctif, peut-être aussi un peu collectionneur je suis trop respectueux de la vie pour en extraire volontairement un seul être, j'ai donc choisi après de multiples essais en dessin et photographie une autre dimension de l'observation, « le sonore » sens de la communication dans l'espace chez les organismes vivants. Ce choix confirmera très vite qu'il correspond bien à mon attente de la vision du monde sans prélèvements ni collecte du vivant et je ne désire en aucun cas ouvrir un débat sur la nécessité d'épingler ou de tuer l'animal pour la connaissance, j'ai fait mon choix.
Ce n'est pourtant pas la passion du son qui au premier abord m'a dirigé à exercer ce métier de « compositeur audio-naturaliste ». C'est avant tout la curiosité pour les choses de la nature sauvage, ses animaux, fleurs et roches qui dès mon jeune âge ont enthousiasmé mon appétit de découverte.
De formation paysagiste, ce métier pourtant que j'ai exercé pendant vingt ans, ne m'a jamais aussi comblé que le monde sauvage que je côtoie aujourd'hui. La cause, probablement la beauté artificielle et sculptée des jardins, ses plantes hypers sélectionnées, et cela uniquement au profit de l'homme, m'a toujours un peu laissé sur un manque, celui du sauvage et de sa spontanéité, de sa beauté souvent discrète, ouverte à celui qui sait regarder, la symbiose entre la plante et l'animal mais parfois aussi sa cruauté (ne nous fermons pas les yeux).
Militant associatif actif, j'ai enrichi ma connaissance de la nature par la rencontre de personnages aussi passionnés que moi (je pense particulièrement à François C, Jean C et Guilhem L) et par de lointains voyages et de nombreuses sorties et heures sur le terrain dans notre beau pays. Quelques essais de dessins, voire même, de photographies, mais cela ne convenait pas à mon tempérament actif. Le déclic, fût sûrement ce jour de juin 1985, où pour la première fois j'ai appuyé sur le bouton d'un dictaphone pour enregistrer le chant d'une Rousserolle turdoïde en Lorraine. Alors, j'ai découvert le plaisir de réécouter son chant (même de moindre qualité), je me suis aperçu qu'un nouveau monde s'ouvrait, je pouvais saisir la moindre note, revenir en arrière et mémoriser d'une façon encore plus efficace et surtout conserver ce bout de souvenir.
En y réfléchissant bien maintenant, je constate aussi que j'avais acheté avant un grand nombre de disques vinyles que j'écoutais avec passion, que quand je me promène dans la rue je me surprends souvent à siffloter et que, bien sûr, toutes mes observations sont à la base provoquée par un son, (certains disent, il n'y a pas de hasard).
La rencontre déterminante avec l'équipe des magasins "Nature & Découvertes" en 1992, qui me confia la réalisation de leur collection, une sonothèque qui s'agrandit, me conduisent à créer en 1997, le studio d'enregistrement NASHVERT PRODUCTION, me permettant d'abandonner mon premier métier de paysagiste. Les techniques évoluent rapidement grâce au numérique, les magnétos Tascam, Sony puis Nagra se succèdent au fur et à mesure des besoins. La diversité des capteurs (microphones) s'agrandit, parabole Telinga et Roché, et surtout la découverte des légendaires microphones électrostatiques de Seinnheiser les fameux MKH, que j'utilise pour certains depuis 1995, dans des conditions souvent bien difficiles, mais ils sont robustes et fidèles.
Le numérique veut dire aussi traitement du signal, pour montage, filtrage, sélection, mastering, conversion etc., et là encore une rencontre m’a permit en 1995 de découvrir le système que j'utilise encore aujourd'hui, un système « direct to disk » développé par la société SYDEC en Belgique au doux nom de « SOUNDSCAPE ». Je suis passé par toutes les versions, (aujourd'hui nous en sommes à la version 6), il est d'une stabilité, d'une rapidité de travail et d'une confiance inégalable considéré comme fiabilité industrielle par SSL qui le commercialise aujourd'hui.
- Devant le nombre d'éditions (plus de 150 à ce jour), en 2003 je développe le réseau de distribution L'OREILLE VERTE.
- En 2005 l'ensemble de la sonothèque est déposé au MNHN (Muséum National d'Histoire Naturelle) de Paris, pour une utilisation dite « scientifique » et afin de développer une véritable sonothèque internationale ( à ce jour malheureusement, pas d'avancée notable).
- Date importante en 2006, la fondation de l'association SONATURA, www.sonatura.com avec cinq amis (à ce jour toujours dynamique).
- Dès 2007, Internet est devenu une composante de notre mode de vie, le son se télécharge et s'achète de moins en moins sur support, il faut évoluer d'où la création du site www.naturophonia.com, site de téléchargement de sons de la nature en format professionnel et MP3 pour tous.
- Depuis la création de l'association SONATURA, cinq rencontres ont été organisées, devenant en 2007 et 2009, un festival intitulé « LA NATURE PARLE SON ».
- De 2010 à 2012, je travaille pour la série télévisée "LA FRANCE SAUVAGE" diffusée sur ARTE début 2012, 10 épisodes de 52 minutes et un film de 95 minutes entièrement sonorisé par des fonds sonores naturels.
- En 2011 grande date, NASHVERT production devient "NASHVERT NATUROPHONIA" et s'installe dans la Drôme, dans le Haut-Diois pour profiter en permanence des événements naturels et des saisons.
L'avenir peut-être inquiétante devant l'abondance, la profusion, la rapidité et même la gratuité des sons, mais aussi enthousiasmante par l'émergence d'une génération d'audio-naturalistes, la reconnaissance de cette passion et par le matériel qui n'est plus une contrainte. Mon souhait, voir un jour aboutir un rêve, la création d'un lieu entièrement dédié aux sons de la nature, animé par des passionnés comme je le suis pour faire découvrir cette composante si essentielle à notre vie, « le temps de l'écoute et de la découverte», simplement.
Mais attention, toutes ces années à écouter et surtout à enregistrer, les oreilles sous mon casque m'ont privé parfois d'une chose essentielle, l'admiration et le vécu de l'instant présent. Ne pas oublier que la nature à son propre temps qui se renouvelle au fil des saisons, et que cette belle passion que l'on exerce ne doit pas aboutir à offrir simplement de la nature en boîte, mais bien donner à l'auditeur la conscience de la fragilité et de la beauté de ce monde sauvage et l'inviter à la promenade auditive et à sa protection.
Fernand DEROUSSEN